Chapitre 2. L'activité


   
     
L'apprentissage technique fut donc difficile et long (voir premier chapitre). Je me souviens d'une conversation téléphonique avec l'ami Richard qui me guida quelque peu dans les méandres de Dreamweaver. Ce devait être à la fin de septembre 2001. Je me souviens également des aides de David et de Mario, toujours à distance. Une fois arrivé à une version du site que je trouvais acceptable, il me fallait prendre contact avec ce Konk pour lui demander l'autorisation de mettre en ligne ces pages ouaibes...

        J'eus l'idée de faire appel à SdeB, un membre actif de la prestigieuse liste de diffusion Vexilla Regis. SdeB avait non seulement un sens de l'humour légèrement développé, mais également la réputation de tout connaître sur tout (ou presque). Deux ou trois heures après l'envoi d'un courriel, j'en reçus un pas bien long me donnant un numéro de téléphone. Je remarquai alors qu'il commençait par 03, l'indicatif de l'Est de la France... Un vendredi matin ensoleillé, vers 11 heures, j'appelais ce numéro. Je tombais sur une douce voix... Je tentai de lui expliquer au mieux ce dont il s'agissait, ce que je réussis à faire. J'eus la surprise d'apprendre que Konk habitait en Bourgogne. Nous prîmes rendez-vous à proximité de son domicile dans un appartement où se trouvait un ordinateur. Le jour en question, je montrai à Konk, sur un écran, ce dont il s'agissait, et il me donna très gentiment son autorisation de mettre en ligne ce que je lui montrais.

        En y repensant, mon amateurisme de l'époque ne me rend pas particulièrement fière. J'appris progressivement qu'un site, ça se travaille constamment. Les adaptations, les améliorations et les corrections sont multiples, au gré de la réflexion, des constats, des résultats obtenus, des inflexions de l'environnement, de l'actualité ! Un site comme celui-ci, ça s'adapte, ça se gère, ça s'entretient.

        Le site a dû être mis en ligne durant le week-end des 13 et 14 octobre 2001. Je restais dubitatif. Le mardi 16, j'envoyais les premiers courriels promotionnels à quelques dizaines de personnes. Dès le mercredi matin, j'eus l'agréablement surprise d'apprendre qu'un site important en terme de fréquentation, l'avait référencé sur sa page de liens. En le faisant, le responsable - que je ne connaissais pas - assurait au site une visibilité inespérée. Que Romain en soit ici publiquement remercié ! Sans lui, le site n'aurait certainement jamais connu la prospérité qu'il a connue. Cependant, c'était là le témoignage que le concept du site, malgré les imperfections techniques, fonctionnait. L'engagement s'accroissait.

        Nous sommes au temps du jospinisme triomphant. On allait entendre bientôt parler du projet d'instituer en France un "permis de citoyenneté" à points. Le principe consistait à vous retirer des points de citoyenneté lorsque vous osiez exprimer une pensée jugée déviante par les commissaires politiques du régime. Dans l'éventualité où vous vous seriez retrouvé un jour avec plus aucun point sur votre permis, à force d'avoir voulu penser librement, vous auriez dû passer un examen de conformité idéologique pour retrouver un nouveau permis ! La répression de la police politique, la censure, cachée, tue dans cette prétendue "patrie des droits de l'homme de gauche", est une réalité active, quotidienne, ignoble, abjecte ! Dans ces conditions, le site allait-il pouvoir vivre jusqu'à l'échéance que je lui avais fixée ? Au bout d'un an, on verrait ce que le site aurait donné. C'est ce que j'avais dit à Laurent lors de notre entrevue. Pourquoi un an ? Pour deux raisons : d'une part, je pensais qu'à la fin de l'année 2002, je n'aurais plus à ma disposition le temps nécessaire pour continuer ce genre d'activité ; d'autre part, je m'étais fixé un quota de dessins et ma planification de mises à jour du site semblait ne pas me permettre d'aller plus loin.

        Cinq ans se sont écoulés. Jospin a été éjecté par le 21 avril qui a donné lieu entre les "deux tours" présidentiels, au matraquage médiatique inouïe des Français. Les hurlements des crasseux dans la rue, la terreur, l'idéologie, la puanteur, la violence, la bourgeoisie et l'extrême gauche réunies. Les messages de haine scandés par des foules hurlantes, relayés par les télévisions et les radios. "Une balle pour Le Pen, une rafale pour le F.N.", tel était un des slogans que j'avais entendus à la télévision... Ce slogan ne m'est jamais sorti de la mémoire. Il m'est resté. Personne ne s'indignait d'une telle violence ! Dure quinzaine. Éprouvante. Mais également une source de renouveau. Le lundi 22 avril, les compteurs du site avaient explosé. Près de 3000 visites ! Pour un petit site amateur présentant quelques dizaines de dessins, à une époque où l'A.D.S.L. n'était pas généralisé, c'était un beau phénomène... Environ 150.000 dessins avaient été téléchargés en une journée ! Autant de messages disséminés dans des milliers d'ordinateurs de particuliers et qui allaient se reproduire au fil du temps. Le Mal produisait son propre antidote... La boule de neige allait prendre de l'importance.

        La théorie de la boule de neige, elle est mienne. Je l'ai expliquée à Laurent le jour où on s'est rencontré. Le but était de créer une avalanche. Comment faire ? Avec des explosifs. Ok. Mais je n'en ai pas et si j'en avais, ça risquerait de me péter à la figure ! Par contre, constituer une boule de neige, c'est possible. Mais pour atteindre le but, il convient alors d'étudier et de mesurer les différentes inclinations du terrain, voire les conditions météorologiques aux différentes altitudes et aux différents endroits du relief social... Il fallait notamment créer un noyau compact et surtout que cette boule de neige soit orientée très finement dans une direction qui lui assure une coulée progressive que rien ne puisse arrêter. Une dynamique devait être créée et entretenue jusqu'au moment où elle puisse s'alimenter elle-même en énergie. Aujourd'hui, honnêtement, modestement, le site est une réussite. L'avalanche a été créée et rien ne pourra être fait pour empêcher ce qui a déjà été produit.

        Au bout d'un an de mises à jour mensuelles, fin 2002, conformément à ce que j'avais prévu, j'annonçai à Laurent que je cessais mon activité d'administration et de gestion du site. Un arrêt ? Non. Je ne le percevais pas ainsi, mais une importante suspension. Les problèmes que j'avais à affronter à l'époque, étaient suffisamment importants et nombreux pour ne pas les surcharger par ce genre de préoccupations informatiques.

        Et puis...

        En février ou mars 2003, je vois apparaître sur mon écran d'ordinateur des photographies montrant des défilés qui avaient lieu en France. Des centaines de milliers de personnes manifestaient contre l'invasion de l'Irak par les E.-U. d'Amérique... Ces images me font me souvenir de celles d'entre le 21 avril et le 5 mai 2002... Cette fois-ci, de nombreux gens honnêtes se joignaient, discrètement (par peur des représailles des gardiens de la Révolution), aux défilés urbains. Savoir être opportuniste !... Le site ne pourrait-il pas tirer profit de ce nouveau mouvement d'opinion massive, le second en un an, et y trouver des auxiliaires ? Je me suis interrogé pendant plusieurs minutes...

        Tout d'un coup, je plonge par terre, sous mon bureau. Je ramasse deux ou trois albums de Konk, les ouvre et (re)découvre des dessins géniaux ! dessinés en 1990 au moment de la première guerre du Golfe... Bingo ! Ils allaient constituer une nouvelle rubrique : États-Unis d'Amérique / Irak. Content, j'étais. Le site s'inscrivait dorénavant dans la vie politique internationale ! Le succès du site Les dessins de Konk passait dorénavant par Washington, et Dominique de Villepin y contribuait ! Sitôt ce coup réalisé, je refermais le clapet. Tout juste acceptais-je l'idée d'étudier la faisabilité de réactiver le site pour les échéances électorales de 2004. Rendez-vous était donné mais il était possible que je n'y sois pas.

        Finalement, deux mises à jour ont été effectuées les 20 janvier et 04 avril 2004. Elles furent globalement décevantes. Certes, les flux de visiteurs drainés restaient importants mais aucun phénomène de grande ampleur n'avait eu lieu. Tout juste ces quelques heures de travail me permettaient-elles de corriger les erreurs de présentation que je n'avais pas remarquées, de retirer certains dessins dont l'effet s'était amoindri avec le temps passé, d'actualiser la page de liens, bref de toiletter le site.

        Un problème se posait toutefois : comment positionner moralement le site par rapport à Konk ? J'ai donc pris rendez-vous auprès de lui. L'entrevue se passa soit à la fin de l'année 2004, soit en janvier 2005. Puis-je faire sortir le site Les dessins de Konk de ma vie ? Puis-je ne plus m'en préoccuper ? La réponse fut évidemment : oui. Concrètement, une toute petite chose changea : un soir, je retirai le formulaire dans lequel il était possible de saisir une adresse de courriel pour être tenu informé des mises à jour du site. Symbole que c'était terminé. Cette fois, il ne s'agissait plus d'une suspension. C'était une sortie mentale pure et simple. Lorsqu'on se quitta, ce devait être près des voitures garées, Konk m'annonça qu'il avait un projet : se réabonner à un fournisseur d'accès à Internet et créer un blog ! "C'est une bonne idée !", lui dis-je. Mais quand ? Peut-être dans un an... Autrement dit, la prochaine activité sur le ouaibe n'allait plus être de mon ressort. Konk allait agir lui-même et prendre l'initiative. J'allais redevenir un spectateur et revenir à mon état d'avant le 29 novembre 2000. J'en étais presque soulagé. Satisfait. Reposé.

        Là, il y a eu un "blanc". Il n'y a donc rien à écrire.

        Fin novembre 2005, vers 19h30, à la nuit tombée, éclairé par une lampe de bureau, mon téléphone sonne. Aucun numéro n'apparaît sur l'écran, pas de nom. "Allo ?!...". Voix unique, celle de Konk ! Je n'avais pas eu de nouvelles depuis presque un an. Il me confirma qu'il allait enfin créer ce blog. Mais l'absorption dans des tâches étrangères à toute activité informatique, était telle dans ma vie à ce moment-là, que je n'ai pu me préoccuper de relayer ces informations sur Internet qu'à partir de février 2006 ! En deux mois et demi, je n'avais pas réussi à trouver quelques heures de libre pour le faire !

        La première difficulté fut de retrouver les mots de passe utilisés et autres adresses ouaibes. Je les avais totalement oubliés ! J'essayai donc de me souvenir des codes que je pouvais bien utiliser deux ans plus tôt... pas facile... Les logiciels ? Certaines licences d'exploitation n'avaient pas été renouvelées. Quelles étaient les astuces, les paramétrages, les chiffres, les nombres, les attentions nécessaires à un travail efficace et précis ? C'était comme si je tentais de refaire du vélo après avoir passé trente ans sans en faire...

        En me préoccupant des statistiques du site, ce que je n'avais pas fait depuis deux ans, je m'aperçus que le site n'était pas mort de sa belle mort ! Aucunement. Bien au contraire ! Le site n'avait jamais drainé autant de visiteurs et n'avait jamais été aussi populaire !

        Fin du deuxième chapitre.

        Le créateur et administrateur du site


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